Le Square
Avant que le pont actuel n’enjambe paisiblement la rivière, un autre pont, majestueux, s’y dressait. Avec ses arches élégantes, il rappelait ceux de Strasbourg, œuvres de pierre et de savoir-faire. Juste à côté, un hangar accueillait une activité aujourd’hui disparue mais autrefois essentielle : le rouissage du chanvre. Ce procédé, nécessitant beaucoup d’eau, consistait à laisser macérer les tiges dans l’eau pour en détacher l’écorce, première étape avant leur usage textile.
Non loin de là, le dimanche matin, les alentours s’animaient de cris et de hennissements : c’était le temps de la Rosschwemm. Les paysans y emmenaient leurs chevaux pour les laver, entrant eux-mêmes dans l’eau. L’exercice pouvait être risqué, car les chevaux, une fois dans leur élément, aiment à nager et il fallait bien s’accrocher pour ne pas les perdre au fil du courant.
Plus en aval, les bons nageurs du village se retrouvaient pour plonger dans les eaux profondes du Cygner, une prise d’eau qui servait autrefois à alimenter le moulin. Ce lieu offrait à la fois fraîcheur, jeu et défi pour les plus téméraires.
La toponymie des lieux — les noms des cantons ou Gewann — nous éclaire encore davantage sur les usages d’autrefois. De l’autre côté du pont, on trouvait la Stiermatt, le pré réservé au taureau étalon, et un peu plus haut la Hengstweid, dédiée à l’étalon. On y menait les bêtes reproductrices, symboles de richesse et de puissance agricole. Encore plus haut, on trouve la Pfarmatt, le « pré du curé » — non que celui-ci y broutât, mais les revenus de la location de ce terrain revenaient à la paroisse.
Plus étonnant encore, un autre pré porte les noms de Reittmatt ou Ritterschlig : il semble qu’autrefois, des chevaliers y pratiquaient leurs exercices équestres, entre joutes et démonstrations martiales. Une trace, peut-être, d’un lointain passé féodal qui imprègne encore la terre de nos campagnes.